La biodiversité concerne l'ensemble des êtres vivants (faune du sol, insectes, oiseaux, mammifères, végétaux), leurs interactions entre eux (biocénose) et avec leur milieu naturel (biotope). Favoriser la biodiversité au jardin, c'est avant tout œuvrer dans le sens de cette grande diversité de la vie, même sur une surface réduite !
Lorsque nous concevons un jardin nourricier, nous souhaitons que le jardin devienne de plus en plus vivant, riche d'espèces comestibles et de matières organiques qui vont nourrir la vie du sol (bactéries, champignons, nématodes, arthropodes, etc), les oiseaux et les mammifères dans ce que nous appelons un réseau alimentaire du sol.
Le mot "biodiversité" est largement utilisé depuis quelques années dans le langage courant. Le mot est assez récent (il a été intégré dans le Petit Larousse en 1994) et revêt de nombreux aspects liés au monde vivant. Pour cet article sur la biodiversité au jardin, nous pouvons distinguer la diversité biologique de la biodiversité fonctionnelle :
1. La diversité biologique a trait au vivant dans sa globalité, au niveau mondial. Nous parlons ici des écosystèmes et des espèces vivantes, dont certaines sont en danger d'extinction à cause des activités humaines. Favoriser la biodiversité, c'est vouloir préserver le vivant dans son ensemble.
2. Par biodiversité fonctionnelle, nous nous référons à la biodiversité qui a un effet positif sur les cultures. Cette biodiversité est encouragée par certaines pratiques agro-écologiques, mais s'applique aussi au jardin nourricier, qui est une forme d'agriculture sur petite surface.
Nous pouvons choisir d'encourager ce type de biodiversité en attirant les auxiliaires (oiseaux, insectes, mammifères) qui vont nous aider dans notre gestion phytosanitaire du jardin nourricier, notamment comme prédateurs des ravageurs de nos cultures. Nous parlerons des coccinelles et des mésanges plus bas dans l'article !
Notre conception du jardin nourricier s'articule autour de deux objectifs :
Créer un jardin qui produit des fruits et légumes en abondance pour nourrir sa famille et ses amis.
Concevoir un jardin vivant, en mouvement, qui invite et nourrit la biodiversité au jardin pour nous aider à protéger les cultures.
Comment favoriser la biodiversité pour créer un jardin nourricier ?
La tonte différenciée
Nous sommes habitués, également d'un point de vue esthétique, à voir des jardins tondus à ras, en toute saison. Du point de vue des études du paysage, cela correspond à la mode pittoresque des jardins "à l'anglaise", style paysager largement mondialisé : de grandes étendues d'herbes tondues et des arbres isolés dont les feuilles sont ramassées et exportées.
Les gazons sont semés pour leur résistance au piétinement et sont souvent composés de ray-grass anglais, de pâturin des prés et de fétuque élevée. Seulement trois espèces, pour une seule famille végétale, celle des graminées. De plus, les tontes sont parfois exportées du jardin, alors qu'elles constituent un superbe paillage pour votre potager annuel.
Au contraire, lorsque la pelouse est laissée tranquille toute l'année, ou fauchée une fois par an, de nombreuses espèces de plantes apparaissent dans les hautes herbes et ce de manière spontanée.
Il est d'ailleurs passionnant de chercher à reconnaître ces nouveaux végétaux, parfois comestibles, comme le sont l'ortie, le plantain ou l'oseille sauvage. Les insectes et la vie du sol s'y développeront avec joie. Ces plantes peuvent aussi être bio-indicatrices, c'est-à-dire vous donner une indication sur votre type de sol à cultiver.
La première chose que nous recommandons, quel que soit le jardin qui dispose d'une pelouse, est de mettre en place une tonte différenciée. Il s'agit tout simplement de ne pas tondre la pelouse, sur l'entièreté ou une partie de celle-ci.
Semer un engrais vert ou une prairie fleurie
Sur le long terme, un gazon semé va appauvrir votre sol. Nous vous recommandons de transformer au moins une partie de ce dernier en prairie fleurie ou engrais vert mellifère.
L'installation d'un engrais vert va décompacter et enrichir votre sol, notamment grâce aux légumineuses qui s'y trouvent. Votre sol enrichi en azote et en matière organique attirera d'autant plus une vie du sol riche et active. Tout comme les prairies fleuries, certains mélanges donnent des fleurs aussi. Au moment de la floraison, les insectes pollinisateurs seront attirés par votre prairie fleurie semée.
Astuce engrais vert : cette zone semée d'engrais vert pourra devenir une zone de culture pour un potager annuel dans un second temps, au printemps suivant par exemple.
Attirer les auxiliaires
La vie du sol est enrichie, les insectes pollinisateurs volent de fleur en fleur, il ne manque plus que les fameux auxiliaires de cultures pour protéger votre jardin nourricier.
Parmi les auxiliaires que nous souhaitons inviter au jardin et qui sont des prédateurs pour les ravageurs, nous pouvons nommer :
Les Coccinelles, bien connues, dont les larves se nourrissent des Pucerons ravageurs.
Les Syrphes, qui ressemblent à des guêpes, mais de la taille d'une mouche, sont des prédatrices pour les Pucerons, les Chenilles et les Psylles notamment.
Les Chrysopes, au corps allongé et aux ailes dentelées, disposent d'un spectre large et se nourrissent de nombreux ravageurs.
Les Hyménoptères parasitoïdes (plus de 50.000 espèces décrites!) vous aideront contre les Pucerons également.
Les Punaises prédatrices, elles, se nourrissent en particulier d'Acariens, de Psylles et de Thrips.
Pour les attirer, commencez par semer une prairie fleurie, avec un mélange d'espèces composé de légumineuses pluriannuelles (Sainfoin, Luzerne) annuelles (Trèfle incarnat, Vesce) et des plantes aux fleurs mellifères (Bourrache, Phacélie, Moutarde, Sarrasin). Les auxiliaires sont attirés par les fleurs de ces végétaux et par la végétation dans laquelle ils aiment s'abriter. Complétez par l'installation d'une maison à insectes !
Astuce sol acide : vous pouvez installer un engrais vert spécialement conçu pour équilibrer votre sol, avec comme par exemple, du Sarrasin, du Lupin ou de la Serradelle (petite légumineuse annuelle oubliée), qui sont recommandés pour les sols acides.
Biodiversité cultivée, le choix des essences et des variétés
La biodiversité cultivée correspond à la diversité des essences d'arbres et des variétés de légumes cultivées au jardin nourricier.
Elles sont choisies pour leur adaptation au milieu (sol, climat) et leurs interactions positives avec le milieu, que ce soit leurs interactions avec le sol ou leur accueil pour les auxiliaires.
Selon la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation), 75% des variétés de fruits et de légumes ont été perdues au cours du XXe siècle, d'où l'importance de choisir des variétés anciennes, rustiques et pour les semences, reproductibles. Pour préserver la biodiversité génétique végétale, semons des variétés anciennes !
Astuce pour les semences : nous recommandons d'utiliser des semences paysannes reproductibles pour de nombreuses raisons ! L'une de ces raisons est la suivante : ces semences sont composées d'endophytes, c'est-à-dire de champignons et de bactéries favorables au sol et à la plante qui y pousse.
La graine a prévu le nécessaire pour qu'à l'endroit où elle germe et se développe, les champignons et les bactéries seront suffisamment présents pour décomposer la matière organique, la minéraliser sous forme d'azote et permettre un bon développement de la plante.
Pour attirer nos précieux auxiliaires détaillés plus haut, vous pouvez également implanter dans vos jardins ou dans votre terrain des haies entomofaunes, propices à la vie des insectes.
Il est important de choisir des essences locales qui ont un rôle positif sur votre jardin et votre sol, c'est-à-dire éviter les conifères, thuyas, bambou, palmier, etc. Parmi les essences utiles pour les auxiliaires et comestibles, nous pouvons citer : les noisetiers, les sureaux, les tilleuls, les aubépines, les cornouillers (mâle ou sanguin), le merisier, les cognassiers ou le lierre grimpant dont les baies sont comestibles par les oiseaux.
De manière générale, plantez des arbres fruitiers !
Cela sera bénéfique à la biodiversité car les insectes et les oiseaux raffolent de fruits et des baies. Il y a les arbres fruitiers connus et classiques, toujours les bienvenus au jardin.
Mais nous pouvons citer également l'amélanchier, l'aronia, l'arbre aux faisans, le chèvrefeuille comestible, le chalef, l'épine vinette, le roncier et bien d'autres variétés intéressantes, comestibles et peu connues !
La plupart des arbres champêtres (chênes, frênes, ormes, érables, châtaignier) attirent aussi les auxiliaires, peuvent être plantés en haie bocagère, mais ne laissent que peu de place pour la création d'un jardin nourricier ! À privilégier pour un grand terrain et un aménagement agroforestier.
Les techniques : non travail du sol et paillage des zones cultivées
Vous l'aurez compris, pour inviter la biodiversité au jardin nourricier, vous pouvez commencer par : laisser l'herbe pousser, semer une prairie fleurie et installer ou préserver les espèces hôtes des auxiliaires.
Maintenant, que ce soit au verger ou au potager, que pouvons-nous faire pour la biodiversité ?
D'abord, il ne faut plus exporter la matière organique du jardin dans les sacs jaunes qui partent à la décharge. Tout ce que vous pouvez utiliser (tontes, feuilles, branchages) peut et doit être utilisé dans le jardin nourricier, en paillage, en tas de bois et en compost. Tout cela pour nourrir la vie du sol et les insectes. Votre jardin donnera le gîte et le couvert à toute cette diversité biologique.
Ensuite, pour le paillage. Pour faire simple, les matières vertes (tontes, compost mûr) iront plutôt au potager annuel, les matières brunes plutôt au verger et dans les zones de cultures pérennes. D'une part, les matières vertes sont plutôt décomposées par les bactéries sous forme de nitrate (NO3-), facilement assimilables par les légumes annuels. D'autre part, les matières brunes (feuilles mortes, paille, copeaux de bois) sont plutôt décomposées par les champignons sous forme ammoniacale (NH3), plus facilement assimilables par les arbres fruitiers et les légumes vivaces.
Dans un sol riche et bien nourri, un gramme de terre abrite 1 milliard de micro-organismes de toutes sortes ! Il s'agit ici de la biodiversité du sol, parfois mise de côté au profit des insectes et des oiseaux, mais d'une importance capitale pour la fertilité de votre sol et la santé de vos plantes.
Enfin, inutile de retourner votre sol ou d'enterrer de la matière organique en profondeur ! La faune du sol est complexe et est organisée en strates (profondes, intermédiaires et superficielles) qu'il ne faut pas mélanger. Un décompactage à la fourche-bêche ou à la grelinette (guerilu) suffira amplement. La matière carbonée (copeaux de bois, feuilles, pailles) doit rester en surface pour être décomposée par les champignons aérobies.
Des abris pour les insectes et les oiseaux
Tout ce qui est expliqué plus haut contribue à donner un abri et de la nourriture à la biodiversité du jardin nourricier.
En plus de tout cela, il est possible et recommandé d'installer des abris :
Pour les insectes, un hôtel à insectes ou un tas de bois sera toujours le bienvenue. Certains insectes volant creusent leur nid entre les morceaux de bois ou s'en nourriront, ou les deux !
Pour les mésanges, accrochez des nichoirs à 2 mètres de hauteur minimum avec une ouverture de 28 à 32 millimètres et la place pour leur envol.
Pour les chauves-souris, il est préférable de les fixer à plus de 6m de haut. Leur présence vous débarrassera également des moustiques pendant l'été !
Maintenant, passons à l'action !
Commencez par observer votre jardin, laissez pousser l'herbe et mettez en place des essences hôtes pour vos auxiliaires de cultures. Tout cela vous aidera dans la gestion phytosanitaire de votre jardin ou terrain nourricier !
Vous l'aurez compris, pour nous, inviter la biodiversité au jardin, c'est avant tout créer votre jardin nourricier tout en améliorant le sol sur le long terme, pour nourrir la vie biologique et produire de la nourriture pour ceux que vous aimez !